Mission Mars 2023 : compte-rendu
Samedi 11 mars : J’arrive vers 9h à Ivato (aéroport de Tana). La navette de l’hôtel m’attend pour m’emmener aux « Flots Bleus ». Pour cause de mauvaise coordination des vols, je suis, en effet, obligé de passer une journée à Tana pour attendre le vol pour Tuléar. Encore une journée à ne rien faire !
Dimanche 12 mars : Il est 4h quand la réceptionniste vient toquer à ma porte … Après n’avoir dormi que 2 à 3h dans l’avion la nuit précédente, je viens de « passer » ma 2e nuit avec seulement 4h de sommeil !
Décollage à 6h et 90mn plus tard, c’est l’arrivée à Tuléar puis « Chez Alain » où je commande un café.
Normalement, je n’aurai dû arriver à Tuléar que mardi 14, mais « Madagascar Airlines » (le nouveau nom d’ « Air Madagascar ») en a décidé autrement en supprimant un de ses deux vols hebdomadaires entre Paris et Tana. Je vais donc passer trois jours (au lieu d’un) à Tuléar avant de démarrer mon programme de mission qui lui, était calé depuis 6 semaines. Cela dit, je vais avancer quelques contacts et achats sur Tuléar qui m’éviteront de revenir ici une journée en milieu de mission.
Je dois acheter du matériel pour la future cantine d’Ampasikibo : 120 assiettes alu, un « foyer amélioré » bois et charbon (mode éco) et une très grande marmite. A côté de ça, j’ai acheté l’été dernier à Saugues (Hte Loire) 110 cuillères à soupe chez Emmaüs pour 11€. J’en ai d’ailleurs amené une moitié dans ma valise.
Nous circulons dans le « Bazar be » et arrivons dans la zone vaisselle, j’avise une pile d’assiettes, j’en saisis une qui a l’air d’être correcte ; quel prix ? 3000 Ariary ; « je vais en prendre plusieurs, quel prix ? 2500 Ar. « et si j’en prends 120 ? ….2000 Ar (env. 46 cents d’euro), je n’aurai pas mieux. Mais la vendeuse n’a pas le stock nécessaire ; elle peut les commander et les recevoir mercredi matin ; c’est d’accord mais, par prudence, je ne verse pas d’avance.
Au stand d’en face, nous avisons des marmites, la plus grande (60cm de diamètre) nous est annoncée à 180000 Ar … petite discussion, le prix descend à 150000 Ar (env. 35€) ; j’en commande une pour mercredi matin (nous sommes en cyclo-pousse).
Il est temps d’aller se restaurer … direction « Le Jardin » mon annexe préférée ! Nous y avons donné RDV à Lisa qui est chez sa sœur à Tuléar. Cela fait du bien de se retrouver ici, au calme et sans poussière. Je ne vous ai pas encore dit qu’à Tuléar nous avons 30° aujourd’hui, ce qui change un peu des températures Montreuilloises de ces derniers temps.
Je passe la grosse commande à Lisa de torchons et de sacs à pain et je lui fais un chèque d’avance.
Nous continuons les achats en allant chez ADES (une ONG Suisse qui œuvre depuis au moins 25 ans pour lutter contre la déforestation, ils ont mis au point, entre autres, un « foyer amélioré » sorte de barbecue qui réduit d’au moins 50 % la quantité de charbon ou de bois à utiliser). J’en ai un petit depuis 5 ou 6 ans à Tsaragiso qui est très efficace. Je commande le plus grand pour la cantine d’Ampasikibo, à 72000 Ar (env. 17€), il est très lourd, nous passerons le prendre mercredi matin.
Direction l’hôtel pour un peu de repos avec petite sieste en prime. Je prends mon repas vers 19h et après un appel à ma femme, il est 21h : extinction des feux !
Lundi 13 mars : Après une très bonne nuit de 9h de sommeil, le petit-déjeuner est le bienvenu.
Ce matin, dans Tuléar, je découvre un commerçant, proche de la librairie, qui fait du change à un bon taux, je change donc 400€, car j’aurai pas mal de dépenses à régler en espèces durant la mission.
Nous allons ensuite au marché artisanal où je souhaite acheter 5 ou 6 paniers pour les revendre à Montreuil pour Projet Action, mais il y en a peu, ils ne sont pas à mon goût et les prix se sont envolés …. pas d’achats !
Nous déjeunons « Chez Arsène », une gargote un peu sommaire (si ma femme voyait ça!) mais dotée d’un grand-père haut en couleur, c’est un métis Franco-Malgache de 75 ans qui, dans un français impeccable, nous raconte sa vie de façon très imagée … je rie beaucoup et souvent. Par ailleurs, le plat de riz au zébu-sauce est délicieux. (3500 Ar le plat soit env. 0,80€, ce qui n’est pas cher pour moi, mais c’est environ deux heures de SMIC malgache, alors ce n’est pas accessible à tout le monde !)
A 17h, nous recevons nos trois entrepreneurs pour annonces de l’attribution des chantiers et l’entreprise de menuiserie pour lui passer notre grosse commande. M. Albert (GECIP) se voit attribuer l’école primaire avec salle préscolaire + une salle de l’ancienne école à réhabiliter à Antanilebe ainsi que les 6 ponts-dalots d’Ankiliabo (Cne d’Ankililoake), M. Lalao (GCM) aura à réaliser les deux écoles primaires avec salle préscolaires de Beravy Ambala (Cne de Tsianisiha) et d’Ankaray sud (Cne d’Analamisampy) et M. Manitra se voit attribuer les réalisations de la cantine d’Ampasikibo et du Centre de Soins d’Ambovotsiritsy (Cne d’Analamisampy). Je leur demande de préparer les contrats de travail avec plans et plannings des travaux pour la fin de la mission.
Je passe par ailleurs à Mme Bernadette, la patronne de la menuiserie, notre commande de meubles pour 2023 d’un montant de près de 20 000 000 Ar (env. 4700€) avec 144 chaises enfants, 176 bancs (20x130), 189 tables (40x130) …..
Il me reste à passer à ma chambre avant de me diriger vers le resto pour une 2e soirée calme et reposante.
Mardi 14 mars : matinée « libre » ; Je fais durer le petit-déjeuner et discute beaucoup avec les serveuses, que je connais bien.
Ce midi nous retournons « Au Jardin » et à 15h, nous avons rendez-vous avec M. le Médecin-inspecteur pour lui parler du Centre de Soins d’Ambotsiritsy. C’est son adjoint qui nous reçoit. Je l’informe que notre Conseil d’Administration du 14 février dernier a voté la réalisation en 2023 de ce centre de soins, les travaux commenceront fin avril, ils dureront trois mois et l’inauguration aura lieu le jeudi 19 octobre à 11h précises. Il prend note et a l’air plus que réjouit.
Il me remercie de cette grande annonce qu’il communiquera dès ce soir à son supérieur, il me confirme qu’un infirmier ou une infirmière sera nommé et prendra son poste en octobre.
Mercredi 15 mars : Alijaona, notre salarié (qui sera en retraite fin avril) arrive à l’hôtel vers 8h30 ; mes bagages sont prêts, le 4x4 est là (pick-up) et c’est le départ avec d’abord la récupération du « foyer amélioré » chez ADES et de la grande marmite. Notre fournisseuse n’a pas reçu les 120 assiettes (que nous récupérerons le mardi 21). Je fais le plein de boissons, j’achète un demi-pain de glace et nous passons à la station-service pour vérifier le plein du pick-up et acheter une réserve de 20 litres de GO et 20 litres d’essence pour mon groupe électrogène.
Vers 11h30 nous arrivons à Milenake ; un arrêt s’impose pour dire bonjour à Naivoson. J’ai échangé avec lui par mail et téléphone depuis quelques semaines et il a accepté de me donner des coups de main à partir du 1er mai pour prendre des contacts sur le terrain et faire, en partie, le suivi des chantiers qui commenceront à ce moment-là. Pour commencer, je lui ai demandé de venir avec nous pour tous les rendez-vous de cette mission.
Nous filons directement à Ankililoake pour déjeuner d’un plat de riz, haricots blancs + sauce et zébu et une … THB bien fraîche. Il fait un peu chaud même s’il pleut un jour sur deux. Après ce festin, nous allons à Tsaragiso où, dès l’arrivée, j’admire les rizières ; vertes comme aux plus beaux jours et je vois, plus ou moins loin, les riziculteurs qui s’activent.
Dans le précédent Zébu, je vous ai parlé du manque de plants, c’est toujours plus ou moins le cas et ceux qui en ont ou qui en préparent les surveillent nuit et jour comme l’huile sur le feux car figurez-vous qu’en ce moment le « sport national » ce sont les vols nocturnes de plants de riz : gare à ceux qui se feraient prendre … Une vie est si fragile !
Installation dans la maison et préparation du repas du soir : j’achète 12 œufs, il y aura une soupe au pistou et une vache qui rit et un peu de pain acheté en passant à Mangily ce matin. Demain matin je préparerai une pâte à pain que je ferai cuire en revenant d’Analamisampy.
Evidemment, j’ai le grand plaisir de voir venir les voisins de tout âge pour me dire bonjour ; M. Veloson, Madame, Déric, Laïmaro, Tolotra (les frangins Veloson), M. Piquet, Mme Monique, Alpha, Sandra, Ruffinie …
Repas, douche et au lit !
Jeudi 16 mars : Il pleut encore aujourd’hui. A 7h30, nous prenons Naivoson à Ankaraobato ; comme prévu, il est arrivé en cyclo-pousse, car nous allons au nord et la course en cyclo (1500 Ar) coûte moins cher qu’un aller-retour de 12km en voiture (plus de 6000 Ar).
Les pluies fréquentes de ces dernières semaines et de ces derniers jours, plus, bien sûr, les trombes d’eau du cyclone « Freddy » ont eu des conséquences ; dans les villages, y compris Ankaraobato, plusieurs cases en terre et branchages n’ont pas tenu le coup : murs « fondus », tôles disloquées. Il en est de même concernant les petites pistes de brousse qui, pour certaines, sont devenues des champs de boue.
Ce matin nous avions rendez-vous à Ambovotsiritsy (projet Centre de soins) et à Ankaray sud (projet école primaire et salle préscolaire) mais les pistes partant de la RN 9 et menant à ces deux villages sont impraticables, la décision prise par M. le maire Chefelin a donc été de faire venir de grosses délégations, à pied, à Analamisampy. C’est donc à la Mairie que nous retrouvons les représentants de ces villages.
La grande salle de la Mairie est pleine ; les délégations ont dû mettre leur réveil, surtout celle d’Ambovotsiritsy qui est partie à 4h du matin, il est 9h30 et les derniers arrivent tout juste !
Je m’adresse d’abord aux villageois d’Ambovotsiritsy en leur demandant s’ils sont d’accord pour me recevoir avec (en principe) des parrains de Projet Action le jeudi 19 octobre à 11h avec un bon repas, de la musique et des THB bien fraîches ? Oui ? « Ah, très bien, alors puisque nous serons tous réunis ce jour-là, nous pourrons en profiter pour inaugurer le tout nouveau Centre de Soins d’Ambovotsiritsy, qu’en pensez-vous ?» (plan dans le Zébu 103) « Mais ce Centre de Soins dont vous parlez n’existe pas », « Vous avez raison et moi aussi : aujourd’hui, il n’existe pas mais le 19 octobre, ce sera l’inauguration ; les travaux commenceront fin avril et seront terminés fin juillet, nous allons maintenant lire et signer la convention de partenariat » … le temps de la traduction et les villageois réalisent, ils n’en reviennent pas mais ils crient leur joie et leur bonheur en applaudissant très fort. Et nous passons aux signatures en insistant sur le rôle très important du Comité de construction qui, avec les villageois, doit assurer le chargement et le déchargement des camions de sable et de blocages (pierres), le concassage des blocs pour en faire des graviers et l’approvisionnement du chantier en eau.
Je passe au village d’Ankaray sud, avec un scénario un peu différent et « nous en profiterons pour inaugurer ce vendredi 20 octobre la nouvelle école primaire avec salle préscolaire d’Ankaray ! »
Au passage, il est souligné que la piste d’Ankaray est dans un état dramatique … Il faudra voir ça de près.
Pour suivre, M. le Maire a prévu un repas pour tout le monde et … des boissons fraîches ! La table est vite mise et les discussions vont bon train.
Alors on mange, on boit, on rit et … on chante !
Vendredi 17 mars : Nous avons rendez-vous à Ankiliabo pour faire le point sur le projet des 6 « ponts-dalots » que nous avions étudiés en octobre. Une grosse délégation nous attend à l’ombre d’un grand tamarinier près de l’école inaugurée en octobre. M. le maire d’Ankililoake est également présent.
Je parle de ce projet et je questionne l’assistance sur les problèmes et risques générés par l’état actuel de ces « passages d’eau » d’un autre temps. Et l’on me parle de charrettes qui se croisent sur un dalot et qui, parfois, glissent et se renversent dans le canal provoquant au minimum des dégâts matériels et de temps en temps des accidents plus sérieux. On me parle également du manque de matériel adapté pour un bon entretien de ces ouvrages.
J’enchaîne en disant que le lundi 16 octobre à 9h nous pourrons boire un verre pour « arroser » les 6 ponts-dalots refaits entièrement … tout beaux tout neufs !
Traduction, des cris et de gros applaudissements, convention de partenariat. L’humeur est excellente à Ankiliabo, il y en a qui ont les yeux qui brillent.
Nous reprenons la route pour Ankililoake et Antseva où nous avons rendez-vous (toujours pour les raisons de pistes impraticables) avec les villageois d’Antanilebe pour parler du projet d’école primaire avec salle préscolaire. Il y a aussi le problème d’une salle de l’école actuelle qui a été « décoiffée » par un cyclone et qui ne peut plus être utilisée. Ce gros village ne dispose donc actuellement que de 4 salles de classe pour 856 enfants inscrits !
Sans plus attendre, j’annonce le bonheur de Projet Action de pouvoir financer, cette année, la réalisation d’une nouvelle école primaire de 4 salles + une grande salle préscolaire avec meubles adaptés à l’âge des enfants. Les travaux démarrent dans cinq semaines !
Convention de partenariat, rôle du Comité de construction, on signe au milieu des applaudissements et des rires ! Les villageois repartent au village ; ils n’ont que 7km à faire, dont une partie dans la boue ! On me parle de cette piste … à voir de près en juin : y- a t-il un point noir ou une bonne douzaine ?
M. le maire nous invite au resto à Ankililoake, on sent qu’il est heureux de sa matinée et un menu spécial nous a été préparé ; entrée crudités, plat de riz zébu sauce, boissons fraîches.
Après ce repas apprécié à sa juste valeur, nous nous dirigeons vers le village de Tanambao (Cne d’Ankililoake) où habite maintenant Mme Perline ; il faut que je lui parle des 100 réunions d’Éducation Sanitaire et Nutritionnelle que je vais lui confier en 2023.
Arrivés chez elle, nous ne trouvons que Karina, sa fille de 18 ans. Perline est partie, en charrette, à Tsifota sur la côte (27 km) pour vendre du manioc. Elle doit revenir tard dans la soirée, je laisse un message à sa fille pour que Perline passe à Tsaragiso demain après-midi vers 16h.
Samedi 18 mars : C’est un grand jour de foot féminin : le match retour entre le FC Miss Tsaragiso qui reçoit les Blacks Roses d’Analamisampy. Le match aura lieu à Ankaraobato ce matin à 10h. Alijaona, notre salarié, est parti à 7h, avec le chauffeur, chercher les filles des Blacks Roses.
Au match aller, les filles de Tsaragiso avaient obtenu le match nul (0 à 0). Il faut rappeler que les Blacks Roses sont championnes de leur commune depuis deux ans (tournoi du 26 juin). Quant au FC Miss Tsaragiso, contre toute attente, elles sont devenues championnes de la commune de Milenake le 26 juin 2022. C’est donc un match « au sommet » et le petit hameau de Tsaragiso croit en ses chances contre les filles du chef-lieu de la commune d’Analamisampy.
Ce midi, nous avons invité les Blacks Roses pour le repas (elles sont 15) et j’ai demandé à Lisa de venir préparer pendant que nous serons au match.
A 9h30 nous allons au terrain ; les deux équipes s’échauffent, il y a déjà un peu de spectateurs de Tsaragiso et d’Ankaraobato. Je vais voir les équipes en commençant par le FC Miss et je leur dis deux choses : « Commencez le match sur un rythme élevé, il ne faut pas les laisser respirer et faites vous respecter de leur n°3 qui, au match aller, s’était un peu trompé de sport en confondant catch et foot ». Je vais aussi voir les Blacks Roses en les encourageant et en leur souhaitant bonne chance.
10h ; le match commence sur un rythme élevé et les filles deTsaragiso montrent qu’il vaut mieux ne pas les bousculer, le n° 3 des Blacks Roses semble avoir compris et Sandra (petite-fille de M. Piquet) qui est, de loin, la meilleure technicienne s’est déjà « autorisée » à lui faire deux jolis dribbles et deux « petits ponts » en moins de cinq minutes …
Le match est plutôt équilibré même si Tsaragiso domine en première mi-temps et se fait un peu dominer en deuxième. Il y a des occasions de but des deux côtés, mais le match se termine sur un nouveau 0 à 0 !
C’est donc la séance des tirs au but ; la première série de 5 tirs se termine sur un 4 à 4. Il y a beaucoup de supporters pour Tsaragiso, peut-être 300 ou 350 personnes ! L’ambiance et les cris sont au maximum. Deuxième série de 5 tirs … grande frayeur quand Tsaragiso est menée 3 à 1 (à ce moment, je suis déçu, car je pense que c’est fini) mais elles marquent les deux suivants et les Blacks Roses manquent leur 4e tir et la goal de Tsaragiso arrête le 5e. Il y aura donc une 3e séance, mais avec la règle du but en or ; si une équipe marque et que l’autre ne marque pas … le match est terminé !
Tsaragiso marque le 11e tir, la fille des Blacks Roses pose son ballon, elle recule, s’élance, tire ….. la goal de Tsaragiso réussi, de justesse, à dévier le ballon au-dessus de la transversale ….. Je vous laisse imaginer la suite, les cris et les hurlements incroyables, tout le monde court dans tous les sens ; le petit hameau de Tsaragiso a eu chaud, mais il a gagné dans une ambiance de folie. Nous réussissons à ramener le calme et les deux équipes viennent au centre du terrain : petit discours en félicitant les deux équipes et pour essayer de consoler les filles d’Analamisampy, je leur dis « c’était très équilibré, vous auriez pu gagner pendant le jeu ou aux tirs au but, mais Tsaragiso a eu la chance de marquer le dernier tir », « Vous connaissez maintenant Ankaraobato et dans 10mn vous découvrirez Tsaragiso, si vous avez un problème un jour, vous pourrez revenir ici, vous serez bien reçues » et je remets la coupe à la capitaine du FC Miss.
Les filles de Tsaragiso, très fair-play, marchent côte à côte avec celles d’Analamisampy jusqu’au hameau (à 800m) et elles attendront le départ d’Analamisampy pour manifester leur joie et chanter. Le repas est prêt pour les Blacks Roses, ça tombe bien, car elles ont l’air d’avoir faim, cacahuètes et TUC en apéro. Elles dévorent ensuite la chèvre, et la sauce qui va avec, qui a été cuisinée avec une énorme marmite de riz, deux ou trois d’entre elles diront « je n’ai jamais mangé un repas comme ça ! » (il est vrai que ça les change d’un petit plat de manioc juste cuit à l’eau)
Leur moral est nettement remonté, elles ont l’air tellement heureuses que l’on pourrait croire qu’elles ont gagné le match.
C’est le départ pour Ankililoake (où elles prendront un taxi-brousse pour rejoindre Analamisampy) et spontanément, les filles du FC Miss sont là pour les applaudir quand elles montent dans le 4x4 et que celui-ci démarre. Je trouve que c’est un très beau geste.
Perline arrive et nous parlons de l’ESN ; il faut qu’elle rencontre M. le maire et le médecin-chef d’Ankililoake pour échanger sur les thèmes à aborder lors des réunions. Ces rencontres doivent avoir lieu dans les meilleurs délais. Pour faciliter les déplacements de Perline, il est décidé que les réunions auront lieu dans les villages situés dans un rayon maximum de 5 km autour du lieu d’habitation de Perline.
Nous préparons ensuite le dîner et, par hasard, mon regard se porte sur le bidon d’essence dans lequel il restait une bonne moitié hier soir après qu’Alijaona ait refait le plein du groupe et je vois que le niveau a sensiblement baissé, je demande à Alijaona s’il a remis de l’essence, il me dit que non. Je lui dis « regarde le bidon, il en restait plus de la moitié hier soir et là, je pense qu’il y a environ 3 litres en moins. Alijaona est d’accord avec moi et il ajoute « je ne te l’ai pas encore dit, mais notre stock de riz a baissé, il manque plusieurs gobelets et il manque aussi 1/2 litre d’huile ! ». C’est bizarre et terrible, car je pense à Lisa qui était seule dans la maison de 9h30 à 11h30 ce matin. Je demande à Alijaona de téléphoner à Lisa, nous lui poserons quelques questions : « Lisa, on trouve bizarre qu’il manque du riz, 1/2 litre d’huile et 3 litres d’essence ; aurais-tu une idée sur ces disparitions vu que tu as été la seule dans la maison ce matin ? » et Lisa de répondre sur un ton hésitant « non, je ne sais pas, je ne suis pas au courant », « Tu ne t’es pas absentée un peu en laissant la porte ouverte ? », « Non, je n’ai pas bougé » … c’est dramatique, Lisa, mon amie et confidente depuis 25 ans, elle qui vient souvent manger à la maison, elle qui a reçu des vêtements en cadeaux, elle la responsable des brodeuses à qui je passe régulièrement des commandes depuis 25 ans …. ».
Dimanche 19 mars : Comme prévu, nous allons à Antsonomarify voir la chorale, nous y parvenons après un parcours vraiment inhabituel. Les fortes pluies ont rendues impossible la traversée de la rivière Manombo (à Tsianisiha), nous avons donc rebroussé chemin jusqu’à Milenake, pris la piste Volamindry jusqu’à Andranodehoke et pour finir, nous avons emprunté une piste complètement improbable où les broussailles touchent souvent à droite et à gauche (les chauffeurs n’aiment pas ça, car si la voiture est abîmée, ils risquent de « prendre un savon » par leur patron). Par moments, nous ne dépassons pas le 5km/h …. nous arrivons enfin à Beroroha, il ne reste que 3km à faire.
Les retrouvailles avec la chorale sont joyeuses, mais Danielson (le chef de chœur) est toujours à Tana pour faire, on ne sait quel travail, même sa femme, restée au village avec les enfants, ne sait pas quand il reviendra.
Je trouve surprenant qu’il ne soit pas revenu, car cela fait 3 mois et demi qu’il pleut, les terres sont redevenues cultivables ! Que devient-il ? Quand reviendra-t-il ?
Nous sommes de retour à Tsaragiso vers midi.
Non, ce n’est pas possible « Alijaona, viens voir, regarde le bidon d’essence, le niveau a encore baissé de 3 litres ! ». Seule Lisa a les clés de la maison. « Mais elle a perdu la tête, hier soir nous l’avons questionné sur les disparitions et dès le lendemain ça recommence ! Appelle-là et dis-lui de ramener les clés ». Elle arrive peu de temps après, elle est assise sur la terrasse, sa tête dans ses mains, je ne peux m’empêcher de hausser le ton, j’essaye de lui poser des questions pour comprendre, pourquoi a t-elle fait ça ! À moi ! Elle pleure en disant qu’elle a honte.
Je suis parfaitement au courant de la situation économique, très dure, dans laquelle se trouvent les gens, mais ce qu’elle m’a fait, à moi qui était, en principe, son ami ! 25 ans qui se terminent comme ça ; je ne peux comprendre, je suis anéanti. Jamais je ne pourrai oublier.
Dans la soirée, pour me remonter le moral, je pense à tout ce que Projet Action va encore faire cette année : 3 écoles primaires avec salle préscolaire, un Centre de Soins, une cantine pour une école primaire et des ponts-dalots. A cela, il faut ajouter les 100 réunions d’ESN et les aides au sport et à la culture. Tout est pour les habitants de tous les âges, tout est pour le peuple de cette région de la brousse malgache. Même s’il y en a eu d’autres, c’est encore un coup dur à surmonter pour avancer encore un peu.
Lundi 20 mars : Nous sommes à 8h30 à Ampasikibo pour faire le point sur le projet de piste et le projet de cantine scolaire. Réunion dans une salle de classe, laquelle est bien remplie.
Je commence en parlant du projet de piste « le tracé et l’état du gros point noir de cette piste sont tels que les devis sont très élevés, ce projet ne sera pas réalisé cette année. Mais …. il n’est pas abandonné et je vous demande s’il est possible de trouver un autre tracé qui permettrait de diminuer le coût en ayant besoin de moins de remblais et peut-être d’un ou deux ouvrages béton en moins ? ». Sans vouloir s’avancer et après discussions entre eux, M. Chefelin (le maire) annonce que j’aurai une réponse dans « 3 ou 4 jours ». Je fais semblant d’y croire, mais, d’expérience, je sais que ce que l’on me dit est faux. Je viens simplement d’avoir une réponse (le 20 avril), soit un mois après, et pour cela, il a fallu que je relance notre salarié trois fois ! Alors, oui, il y aurait une possibilité de déviation, mais j’inscris la reconnaissance de ce tracé au programme de la mission de juin avec la présence des entrepreneurs bien sûr.
Je passe au projet cantine et, pour gagner du temps, j’annonce assez vite le bonheur de Projet Action de pouvoir financer les travaux de ce beau bâtiment qui comprendra : un réfectoire de 12,60m de long avec deux rangées de tables pouvant accueillir plus de 100 enfants à la fois. Il y aura aussi une cuisine et un magasin de stockage. (voir le plan dans le Zébu 103) Signatures et applaudissements dont je peux vous garantir la force !
Direction Analamisampy où j’ai provoqué une réunion avec M. le maire, le directeur du CEG, le proviseur du lycée et les profs. Il s’agit de parler de la bibliothèque, inaugurée en octobre 2022, et au sujet de laquelle j’avais déclaré (dans mon discours au lycée et lorsque nous étions dans cette belle salle de bibliothèque) que Projet Action prévoyait de doter cette salle d’un bon nombre de livres ( pour marquer le coup et illustrer mon propos, j’offre ce jour-là 8 livres) mais « Il vous revient, au CEG et au lycée, de dresser des listes d’ouvrages scolaires ou pas permettant une ouverture sur le monde, vous connaissez mieux que moi les livres qu’il faut ». Ils avaient tous dit « oui » et six mois après, je n’ai rien reçu. Là encore, j’ai relancé plusieurs fois notre salarié qui m’a dit qu’il avait l’intention de s’en occuper …
Nouvelle explication : « si vous ne savez pas, ce n’est pas compliqué d'aller à la grande librairie à Tuléar, questionnez les vendeuses et ... ». « Vous pouvez aussi travailler avec vos élèves pour essayer de détecter leurs centres d’intérêts. Vous pouvez encore vous souvenir des centres d’intérêts que vous aviez lorsque vous étiez plus jeunes, souvenez-vous de vos frustrations de n’avoir pas eu accès aux livres qui ... », « Vous allez faire ça ? », « Oui ? » … on verra, mais, entre nous … ??
Mardi 21 mars : Ce matin, nous nous dirigeons, exceptionnellement, vers le sud. Nous faisons halte à Milenake pour prendre Naivoson, ensuite, c’est une halte au lycée de Tsianisiha où Alijaona (notre salarié) avait pour mission, depuis cinq mois, de voir si nous pouvions récupérer un lit de l’internat pour l’amener au Centre de Soins de Bevala où il y en a besoin. Cinq mois … Alijaona me dit qu’il est passé une fois au lycée, depuis octobre, mais que le proviseur n’était pas là. … et les 149 autres jours …. !
Nous n’irons donc pas à Bevala, mais, comme prévu, à Beravy Ambala, un village tout proche de Beravy où nous avons réalisé au fil des années : un magasin de stockage, un CEG et une maternité. Mais le projet de Beravy Ambala est la réalisation d’une école primaire de 4 salles avec une grande salle préscolaire.
Nous sommes attendus, le village a, un peu, arrangé les 300 derniers mètres de la piste qui posaient problème pour l’accès au village en voiture. « Je suis là pour faire le point sur le projet d’école qui manifestement serait très utile. J’ai une question : êtes-vous d’accord pour recevoir Projet Action le dimanche 15 octobre à 10h avec un repas, de la musique, des boissons fraîches … ? », « Oui », « Très bien alors je vous propose, ce jour-là, d’en profiter pour que l’on inaugure la nouvelle école primaire et la salle préscolaire de votre village ! », « les travaux commenceront fin avril ! » … Convention, participation villageoise, signatures et … quelques cris et applaudissements !
Mercredi 22 mars : repos, à mon avis, j’ai dû faire du pain et il y a eu des frites ; le grand jeu, on s’est lâché quoi !
Jeudi 23 mars : Levé à 5h30, petit déjeuner tranquille et en route pour Marofoty, on prend Naivoson à Milenake et passage par Andranodehoke, car l’eau de la rivière Manombo empêche toujours sa traversée.
J’ai souhaité faire le point sur l’utilisation des 2400 livres (pour les CP et CE1 de la commune) que nous avons offert l’année dernière. Sont présents : le nouveau chef ZAP, les directeurs des écoles, des enseignants, au total, lorsque tous les retardataires seront arrivés, ils seront 70, dont quelques non invités ; des profs des CEG de Beroroha et d’Ankadobarika venus pour dire « nous aussi, on voudrait des livres », avec ma réponse « Ah oui ! Votre présence ne me dérange pas, mais ce n’est pas le sujet du jour ». La discussion s’engage, avec peine, sur l’utilisation de ces 2400 livres et j’ai droit à des « c’est bien » ou des « c’est intéressant », « Soit, mais j’aimerais que vous parliez des réactions des enfants, des anecdotes, des réflexions ...on a quand même à faire à des enfants qui n’ont jamais eu de livres ! ». Les langues des directeurs et instituteurs se délient un peu … Heureusement.
Nous passons ensuite au projet, évoqué en 2022, de la poursuite de cette grande opération livres avec la fourniture de livres à chaque enfant de CE2, CM1 et CM2 et j’annonce que je vais commander 3 livres par enfant soit 2250 livres. « la remise des livres sera faite en juin »
Vendredi 24 mars : C’est la rentrée à Tuléar (avec une dernière réunion à Tsianisiha) car peu de temps avant la mission, j’ai appris qu’Air Mad m’obligeait à rentrer 4 jours plus tôt !!
Nous sommes à 8h à Tsianisiha, M. le Maire est là avec un adjoint et la nouvelle gérante de la gargote. Il s’agit de faire le point sur ce qui reste à rembourser du prêt à 0 % d’intérêts que nous avions accordé en 2013 à la gargote pour l’achat de tout ce qui était « meuble » ; tables, chaises, frigo, congélateur, marmites, télé, groupe, … La gérante Malala est partie et il reste 1 233 000 Ar (soit 14 % du prêt) à nous rembourser (env. 270€). Je remets à M. le Maire le relevé détaillé des prévisions de remboursements et des remboursements effectifs depuis 2014 et je lui annonce que cela a beaucoup trop duré. Le remboursement était prévu sur trois ans et nous sommes dans la 10e année !
Notre Conseil d’Administration a donc décidé que ce prêt devait être remboursé en totalité au mois de juin, faute de compromettre la poursuite du partenariat de Projet Action avec la commune. M. le Maire a l’air de faire des calculs … il me dit qu’il va essayer de nous rembourser 600 000 Ar en juin et le reste en octobre. Je lui rappelle qu’il n’y a eu que 200000 Ar de remboursé depuis octobre 2019 (il a été élu en novembre de la même année), la commune semble avoir oublié ce devoir, je redis que je compte sur la totalité en juin. Nous saluons M. le Maire et reprenons la route pour Tuléar.
A Tuléar, je passe de suite à l’agence d’Air Mad pour vérifier l’existence et les horaires de mes vols de dimanche pour Tana et Paris. Inchangé, c’est aussi parfait qu’étonnant.
Passage à la librairie MD Paoly pour passer notre grosse commande de livres : 150 livres pour les trois préscolaires de cette année et 2250 livres pour les CE2, CM1 et CM2 de la commune de Marofoty. J’avais préparé le bon de commande avant de venir en mission en espérant que les tarifs n’aient pas changés. Mais … mes espoirs sont vites en berne : les livres des préscolaires qui étaient à 5000 Ar passent à 6000 Ar (+ 20%) et les livres pour les primaires passent de 10000 Ar à 15000 Ar !!! (+ 50%). Je demande à la vendeuse s’il s’agit d’une plaisanterie ? Elle ne comprend pas la mienne ! Je lui précise ma « pensée » : un livre à 10000 Ar en 2022 ne peut pas passer à 15000 Ar. Les autres livres augmentent de 20 % ce qui est beaucoup, mais j’accepte ces 20 %. Je lui dis d’appeler son fournisseur et de lui dire cela : je suis d’accord pour payer les livres des « primaires » à 12000 Ar, mais pas un Ariary de plus. Si son fournisseur n’est pas d’accord, je ne commanderai pas. « je repasserai demain matin vers 9h et vous me direz ».
Samedi 25 mars : A 9h, nous sommes à la librairie ; « alors, qu’a dit votre fournisseur ? », la vendeuse a l’air contente et m’annonce « il est d’accord pour vous les laisser à 13000 Ar » et moi de lui répondre « écoutez, je pense qu’on ne s’est pas bien compris, là je suis un peu pressé, j’ai laissé un sanglier sur le feu alors svp, dites à ce Monsieur qu’à 13000 Ar, c’est moi qui lui « laisse » les livres, je prends l’avion demain, je vous laisse ma carte, mon email est dessus, j’attends une réponse positive pour mardi maximum.
A 17h, je reçois nos trois entrepreneurs pour qu’ils me remettent les contrats de travail avec les plannings des chantiers. Les trois ne sont que deux car M. Manitra est à Tana et j’apprends au téléphone qu’il m’a envoyé tous les docs par mail.
La mission est terminée, demain matin, je prends l’avion pour Tana et à 22h pour Paris. Je suis malade depuis une semaine, j’apprendrai que c’est une bronchite, je vais m’en occuper sérieusement dès mon retour à la maison.
Philippe MEYER – Président de Projet Action